Frappés au coeur.
Le 31 juillet au matin, Marianne a été percutée alors qu’elle circulait sur son vélo triporteur à assistance électrique. Elle n’a pas souffert. C’est brutal et dramatique.
Si l’activité est mienne, l’âme du manoir, son cœur, ce qui fait son rayonnement, ce qui en fait un lieu à part, une bulle de bien être dont de nombreux visiteurs témoignent, c’est à Marianne qu’on le devait. Par sa sérénité, sa présence discrète, son attention permanente aux bonheurs des fleurs et du parc.
Vous comprendrez que pour un temps, il m’est inconcevable de rouvrir les chambres d’hôtes. Comment raconter notre belle histoire ? Comme vous ouvrir notre antre magique? Comment expliquer la folie heureuse qui a provoqué la rencontre d’un couple en quête de bien être et une bâtisse qui n’attendait que lui pour revivre de sa beauté et de son âme? Comment répéter à votre accueil le bonheur absolu de cette nouvelle vie que nous vous invitions à partager, paisibles et posés? Comment continuer et survivre à l’abomination?
Marianne n’était portée ni par la haine ni par l’esprit de vengeance, elle m’en préservait au quotidien. Alors le temps est aujourd’hui à la douleur et la justice dont elle était éperdument éprise. Elle m’insufflait aussi la beauté des petites choses de la vie, ces petits riens que je pouvais ensuite distiller aux visiteurs. Je n’étais capable d’attention, de bienveillance, de petits plaisirs gustatifs que parce que je nageais dans ce bonheur duquel je me croyais enveloppé à tout jamais, et que j’avais plaisir à partager aux visiteurs le temps d’un séjour. Nombreux revenaient années après années et de vraies amitiés en sont nées.
Aujourd’hui, Marianne repose dans sa famille de cœur, auprès de mon papa décédé il y a tout juste un an. Elle veille sur lui comme il a su lui ouvrir ses bras. Et réciproquement.
Pour finir, je vous mets ci dessous le texte écrit par notre amie Claire le jour du drame, texte lu lors des obsèques ainsi que la chanson qui a suivi, chanson dans laquelle je suis à la fois le mari et l’enfant.
Marianne et Erwan ont créé un lieu magique en Bretagne : le Manoir de Krec’h Goulifern . Depuis des années nos vies étaient liées par nos projets fous, des utopies bien réelles sur lesquelles nos quotidiens sont souvent mis à rude épreuve. On a partagé joies, fiertés, questionnements, peines et déceptions et tant de beaux moments. Ce matin Marianne est allée chercher le pain à vélo et n’est jamais revenue. Un chauffard a pris sa vie.
Je n’ai pas de mot pour dire la peine immense et la violence de la nouvelle. Marianne était une femme d’une incroyable résilience, brillante, lucide, attentive, déterminée. Elle avait tant de fois fait face aux défis et épreuves que la vie avait mis sur son chemin, sans se laisser gagner par la haine ou la colère. Sans jamais se détourner de ses valeurs, de ce qu’elle avait tenté de bâtir par dessus tout.
On avait prévu cette semaine un de ces goûters qu’on aimait tant, l’odeur des crêpes chaudes, les doigts pleins des confitures de leur jardin, à partager en douceur et sincérité les émerveillements, les doutes, les difficultés de l’année écoulée. Il n’y aura plus de goûter, de visite de chantier, de pressées de pommes ou d’atelier de savon. Plus de rire, de débats jusqu’au bout de la nuit sur ce monde qu’on essaie d’inventer face à celui qui part en vrille, plus de larmes et de réconfort mutuel.
Enfin si, des larmes, des larmes infinies, impossibles à sécher.
Marianne, Erwan, vous qui avez tant de fois eu les mots pour nous soutenir dans les moments durs, qui avez été notre refuge. Je me sens impuissante à trouver à mon tour les mots justes face à une telle ignominie.
Il reste tout ce qu’on a partagé, tous ces moments resteront précieusement dans nos cœurs. Personne ne pourra nous l’enlever.
Et promis, on respectera tes volontés : pas trop de fleurs, de grande cérémonie, pas de chichi, ça ne te ressemblerait pas. Mais au pommé cette année, on chantera pour toi autour du feu et on ravivera dans nos cœurs chahutés la flamme des jours heureux. Pour ne pas oublier, pour ne pas laisser la tristesse gagner… Et bien sûr, tu veilleras sur nous de là haut.
Ici où tout est triste, on prendra soin de ce que vous avez construit et de notre ami Erwan qui devra vivre avec l’absence infinie, la peine absolue et éternelle de cette journée sans retour en arrière possible. On lui tiendra la main sur le chemin vers l’appétit de la vie, que tu savais tant nous transmettre. Sur ce chemin, je te le promets, on ne le laissera pas seul.
Repose en paix Marianne, avec tout notre amour
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